Les oeuvres de Mao Tao reflètent un profond attachement pour l’âme, son souffle, sa respiration. A l’image du principe spirituel et immatériel qui anime le corps humain, ainsi que de son éducation bouddhiste, sa démarche ne se limite à aucun médium : peinture, photographie, vidéo et installation sont tous convoqués au service d’un concept qui, selon ses propres mots, « ne peut être touché ou attrapé physiquement. »

A travers la lumière, le son et l’eau présents dans l’espace, Tao Mao expose le dessein de l’âme, son caractère cyclique rythmé d’allers et de retours, les émotions multiples et contradictoires de la psyché humaine. Tout comme la roue tournant et formant ainsi une série de boucles en continue, la souffrance se voit succédée par l’euphorie, tout comme la peine par l’espoir. Enchaînement de pensées traduites par l’image et le son, dans une synesthésie qui pourrait signifier que parmi le chaos se trouve une certaine unicité, qui nous reste à chercher.

Le travail nécessite de s’y concentrer. Pour y saisir toute son ambiguïté, ses flux et reflux, qui ne seront rendus accessibles qu’avec le temps. Les éléments mis en scène concourent tous à cette acceptation, et c’est là tout l’enjeu que d’arriver à les transmettre à l’autre, que de créer, selon le souhait de l’artiste, une interaction possible avec le public. Non pas une leçon, ou un enseignement didactique, mais pour qui s’attarde à éprouver l’image, pour qui s’efforce de tendre l’oreille - malgré les différences culturelles, historiques et linguistiques - d’expérimenter l’ordre à l’intérieur du chaos de l’existence humaine.

Jeu de captation, jeu de confusion et de réflexion sur soi-même, les émotions que nous invite à attraper Tao Mao sont autant d’entre-deux diffus au service d’un espace dédié à l’âme dont l’artiste interroge le côté palpable, sa mise en lumière, sa puissance de communication.

- Mathieu Lelièvre





S’il est principe qui régit le travail artistique de Mao Tao.il faut sans doute le chercher du côté de ses origines chinoises et de cette spiritualité extrême-orientale en quête de paix.d’harmonie et d’équilibre : le Tao.

Très inspiré par la liste entre la vie et la mort,ses photographies,ses installations et ses vidéos nous rappellent sans cesse que l’homme n’est que de passage sur terre et que l’univers n’est qu’un éternel recommencement.Dans Ghost Project,L’artiste a prélevé des clichés sur Google maps dans lesquels les personnages à moitié effacés ressemblent à des âmes flottantes,Alors que l’on prend la série Lost pour une série de monochromes gris, subitement de délicats paysages apparaissent à perte de vue.Les clichés sont pris en Chine,dans le brouillard glacé.Comme un monde quo oscille entre paradis et enfer,entre rêve et irréel. Fireworks d’étincelles de vie,une poudre que yeux qui retournera bientôt en poussière.

Quant à Fishing the moon,son installation introspective en hommage à sa grand-mère disparue,elle nous plonge directement dans le monde des vies éternelles,Une symétrie entre le réel et l’au-delà s’établit au clair de lune,à travers un jeu de reflets aquatiques,des sons et d’une voix intimiste qui font ondoyer la surface de l’eau.

Mais le spirituel n’est pas pours autant une fin en soi si l’on s’en tient à face,Wishing,dont les væux se font indéfiniement écho. L’au-delà est aussi revisité à travers l’écran d’ordinateur ouvert sur un inconnu avec ce qu’il peut contenir de plus cru et d’obscène comme ces séries de portraits tirés de live shows pornographiques.

Entre onirique et humour grinçant de trash,Mao Tao explore le monde qui l’entoure,observe autant la culture geek que cet Occident si éloigné de sa Chine natale,et il en extrait avec grâce toute son étrangeté.

- Anaïd Demir





Mao Tao, conceptuel chinois
par Samuel Landée

L’art de cet artiste chinois, diplômé des Beaux-Arts de Paris, est un questionnement permanent sur le visible.

Un style
Froid, distant, anti-théâtral. Mao Tao semble s’éloigner de la mise en scène, comme pour mieux embrasser une certaine Ecole de Düsseldorf, à laquelle il fait référence dans la série “Home”. En effet,  ces façades plates, vues comme sur un plan d’architecte sont une citation d’Andreas Gursky le plus digne représentant de l’école de Düsseldorf. Des façades qui rappellent immanquablement un des clichés les plus célèbres de Gursky, « Montparnasse » (1995). Une barre d’immeubles aux lignes parfaitement orthogonales, à en donner le vertige. « Home » copie le maître à un détail près : les clichés sont pris en Chine, d’où l’artiste est originaire.

Absurdism
Les dysfonctionnements de l’existence obsèdent Mao Tao. Les écrans brouillés, il les tire en photo et les expose, leur donnant une valeur esthétique inédite. Les clignements d’yeux des présentateurs de CCTV, il les fige pour l’éternité. Aveuglement volontaire ? « I don’t know what I don’t know ».

Dans la série « Lies For Liers », c’est encore  à l’Empire du milieu qu’il s’attaque, ses aberrations architecturales et ses habitants perdus à l’intérieur. Cible facile de l’œil critique de l’artiste, la Chine est écartelée entre désir et cruauté. Le désir, celui des parcs de loisir des années 1990 aujourd’hui  laissés à l’abandon, au profit de plaisirs plus clinquants. La cruauté, celle d’un marché où tout s’achète, sauf le sens de l’existence.

Dust to dust
C’est finalement cette quête de sens qui fait œuvre chez Mao Tao, à tel point que son travail s’avère teinté d’une métaphysique curieusement judéo-chrétienne. « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » pourrais dire ce singe christique dans son enclot.

« Poussière, tu redeviendra poussière » pourraient annoncer ces blocs de terre cuite. Elles sont pourtant muettes comme une gravure de mode. « Age18/180cm/46kg » les blocs ont les mêmes mensurations que Simona Andrejic, le top-model qui les a inspiré : 18 cubes de 46 kg au total alignées sur 1,80m.

« Dust to dust », telle est également la leçon de cette série de feux d’artifices photographiés en retard, lorsque les flammes s’étiolent dans la nuit. La vie, un instant furtif avant de disparaitre. Et après ?

Disparitions
Après il y a les traces, la mémoire, les fantômes. C’est Google Earth qui se charge de les photographier, et Mao Tao les cherche sur son ordinateur, au détour du Trocadéro ou sur le parvis de Beaubourg. Un écho particulier au culte chinois des ancêtres. Les images de ce « Ghost Project » seraient-elle les preuves d’un au-delà ? Ou juste les failles techniques de Google, dans lesquelles s’infiltre la crédulité humaine ?

Il y aurait tant à dire sur cet artiste de génie. Pour conclure malgré tout, abordons « Fluide », l’exemple parfait de cette synthèse de deux mondes qu’opère l’artiste. Des images décalquées, ou transférées sur un mur blanc. On n’en voit plus que le reliquat, comme une sainte face sur quelque linceul. Des clichés pourtant simples, portraits, souvenirs, photos de famille de l’artiste, peut-être. En les récupérant, comme il récupérait celles de Google, Mao Tao procède du non-agir, concept philosophique chinois. Il montre que l’art ne réside plus dans l’exécution mais dans l’intention de l’artiste, et plus encore dans celle du spectateur.